Nazisme et Identité

J'ignore si c'est volontaire, mais "Le Figaro" (27-08/Théo Corbucci) faisait récemment le rapprochement entre le culte de la race et celui de l'identité, qui procèdent en effet exactement de la même rhétorique mystico-juridique. Surprenant article, puisque la stratégie habituelle du "Figaro" est au contraire de dissimuler le fait que le régime de droit républicain permet plusieurs types de ségrégation, dont le culte de la race nazi n'est qu'une version possible.

- à moins de considérer le darwinisme social nazi et l'éloge de la race aryenne comme une science, on situera cette idéologie au niveau éthique où elle se trouve, le plus susceptible de manipulations idéologiques ; à moins d'être plus pervers que Hitler, on déduira que le darwinisme social libéral est susceptible d'entraîner les mêmes conséquences que le culte de la race nazi. Et, si l'on a lu Marx, on se demandera si l'éthique évolutionniste libérale n'est pas déjà présente, sous-jacente dans la théorie racial allemande ? Autrement dit, le mobile de la dernière guerre mondiale, avant d'être idéologique, n'est-il pas d'abord économique, comme les arguments religieux servirent précédemment à justifier la concurrence entre les nations, les charniers exhalant depuis des millénaires l'odeur de la "morale pure".

- En comparant la doctrine du moraliste réactionnaire allemand F. Nitche et la thèse raciale nationale-socialiste, on comprendra la fonction juridique du culte de la race ou de l'identité. Si l'antisémitisme et l'antichristianisme sont bien présents chez Nitche, de même que le culte du droit typiquement germanique, on ne trouve nulle tentative chez ce moraliste d'élaborer une mystique de la race allemande, sur une base juridique ou évolutionniste. Pourquoi ? Parce que Nitche raisonne en fonction d'un système de castes et de l'ancien régime paysan dont il est nostalgique. Nitche, élitiste, ne peut croire dans le progrès social, tandis que la doctrine nationale-socialiste s'efforce de créer une religion nouvelle pour le prolétariat, à l'aide du racisme et de l'idée de "peuple élu".

- La fonction de la théorie juridique de la race élue est d'entraîner l'adhésion des classes sociales au territoire et à la propriété nationales, alors que l'éthique d'ancien régime a perdu toute son efficacité au cours de la phase terminale de l'industrialisation du monde occidental. Nitche se passe d'une telle morale pure, pour prôner un système de droit immuable, sans doute plus cohérent, mais parfaitement démodé depuis des siècles par la mondialisation. L'adhésion des classes laborieuses requiert une éthique de type identitaire ou raciste. Si le culte identitaire paraît aujourd'hui pacifique ou limité, c'est pour la raison que la production et les classes laborieuses sont encadrées par des juntes militaires qui, si elles dépendent de l'Occident, sont "éloignées" ou "délocalisées". Les cartels industriels européens n'ont plus l'usage, ou un usage très limité seulement, des nouveaux cultes juridiques de type identitaire, édifiés sur les ruines de l'ancien régime de la morale paysanne.

- La vocation universelle du christianisme empêche tout culte de ce genre de se développer au sein du christianisme, et personnellement je ne me prive pas de qualifier de chiens ceux qui osent ainsi se servir des Evangiles pour servir la cause de la propriété. Leur crime excède celui de Hitler, puisque c'est un crime contre l'esprit. L'identité, génétique, est nécessairement satanique aux yeux d'un chrétien, car elle revient à faire la théorie d'un peuple élu par dieu. La démocratie-chrétienne, qu'elle soit européenne, étatsunienne ou russe, est un tas d'immondices et de mensonges. Un chrétien ne peut servir deux maîtres.