Satan et la démocratie

Combattre la démocratie dans les esprits, c'est combattre le totalitarisme.

Comme tous les systèmes religieux, la démocratie occulte l'histoire et son sens, lui substituant la formule magique de "l'avenir", dont seuls les faibles d'esprit peuvent se satisfaire.

"Aimable démocratie qui nous fait tous rois et abolit l'esclavage en même temps", pensent les crétins, dont on voit que le raisonnement est mathématique. Ou encore : bientôt les robots feront tout le travail à notre place : encore mathématique, ce raisonnement.

Ce qui sépare la nostalgie de l'ancien régime monarchique (Nitche, Baudelaire) du culte moderne de la démocratie est exactement ce qui sépare les mathématiques anciennes des mathématiques modernes, ou les pyramides des gratte-ciel. La preuve du "progrès démocratique" est une démonstration mathématique, comme le millénarisme nazi de Hegel. L'historien la récusera facilement : cette démonstration se passe même de définir "le progrès".

Si j'insiste autant sur l'aspect mathématique de la démocratie ou du totalitarisme, c'est en raison du rôle de garde-fou joué par les mathématiques dans ces régimes, où les consciences sont massivement subordonnées au calcul, et l'ordre ainsi mieux maintenu que par la contrainte physique.

Si la démocratie est moins religieuse que la monarchie ne fut, comment se fait-il que le culte de la personnalité soit répandu et encouragé partout ? Et chacun proclamé artiste, aussi naturellement que Monsieur Jourdain faisait de la prose ?

Pratiquement, un artiste français ne pourra pas traiter de la démocratie autrement que sur le mode comique, à cause de l'intense cocufiage qu'elle implique.

Enfin il faut pour être démocrate estimer enviable le sort des puissants de ce monde. Aussi n'y a-t-il pas d'adeptes de la démocratie parmi les chrétiens ou les lecteurs de Shakespeare et Molière, les plus dissuasifs du culte démocrate-chrétien satanique. Hamlet ne prévient pas tant contre le "come-back" du guerrier païen (Fortinbras) que contre le complot de la science et du pouvoir en apparence chrétiens.

*L'utopie démocratique marxiste est à mettre à part, puisqu'elle exclut l'Etat et la propriété.